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possédant son âme, comme son corps est tenaillé par les ardeurs de la chair, tous les sentiments contrastés, vigueurs ou nuances, étaient rendus, dans une plastique impressive, avec une admirable sûreté.

La pièce, le premier soir, fut écoutée fiévreusement. Amis ou ennemis apportaient à ce spectacle un parti pris au moins inconscient. C’est que les doctrines que M. de Goncourt conduisait au combat, une fois de plus, ne peuvent pas espérer encore — si ce n’est devant le vrai public — une justice impartiale et des sentiments désintéressés. Comme jadis, au temps des grandes querelles au sujet des anciens et des modernes, tous les lettrés ont pris parti dans la lutte, suivant les hasards de leurs tempéraments, leur éducation littéraire et l’influence de leurs entours. Et il se produisit, une fois de plus, ce fait, déjà constaté aux représentations de Henriette Maréchal que chacun allait au théâtre combattre pour lui-même, pour ses idées ou ses sympathies, et que la pièce n’était plus que le prétexte de sifflets ou d’applaudissements.

Aussi la représentation fut-elle cahotée. Le moindre signe d’assentiment amena bientôt des protestations nerveuses, et réciproquement. Les plus belles scènes de la pièce : le duo d’amour dans les fortifications et le monologue de Germinie apportant l’argent pour le remplacement de Jupillon, furent aussi contestés que les autres. Et quand, à la fin de la pièce, dut être dit au public le nom de l’auteur, M. Dumény fut obligé de jeter, comme à travers la tempête, ce nom d’homme de foi et de vaillant, au milieu des trépignements contraires et des bravos.

Les articles de journaux écrits sous l’impression de cette première épreuve furent presque tous défavorables à la pièce et quelques-uns malveillants avec