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par l’étrangeté de son talent. Eux qu’attiraient toutes les formes du rare et de l’exception, s’entendirent sur quelques points avec lui et il leur arriva de chasser ensemble — dans le domaine littéraire, — au temps où Jules Vallès était le rédacteur en chef d’un journal appelé la Rue dans lequel il a publié la partie la plus solide de son œuvre.

Jules de Goncourt mourut. Edmond perdit de vue Vallès au temps du siège ; la Commune n’était pas faite pour les rapprocher. Vallès qui s’était improvisé le porte-voix de la sinistre aventure, réussit à échapper au châtiment et se réfugia à Bruxelles. Les terribles événements qu’il avait traversés, qu’il avait provoqués pour une large part, n’amenèrent pas, dans son esprit, des réflexions salutaires. Il n’aspirait qu’à recommencer la lutte, mais il se rendait bien compte qu’il n’y avait plus en France, après 1871, un public pour entendre exalter, sans protestations, les doctrines de la Commune. Vallès se contenta donc de relever un drapeau littéraire et il voulut faire renaître la Rue, son ancien journal. Il écrivit alors à M. Edmond de Goncourt une lettre qui, sensiblement modifiée dans le sens de la modération, parut, avec la réponse, dans le numéro du 21 décembre 1879. Nous reconstituons quelques passages tronqués du texte, d’après la lettre originale :

Adresse : M. Valles (sans accent), 69, rue Saint-Lazare, Bruxelles.

Mon cher confrère.

Quand, le 28 mai 1871, je me trouvai en pleine mare de sang, au coin d’une rue déserte, menacé de tous côtés par la mort, je cherchai dans ma tête lasse les noms de ceux qui avaient été, avec moi, des insurgés dans le champ de bataille des lettres. Je songeai à vous et pensai à aller vous demander asile. Cette idée traversa mon cerveau brisé.