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c’est que la causerie avec les femmes bêtes, avec les sots, enfin que l’ennui l’ennuie, et, chose plus curieuse, lui plombe le teint, à l’instar d’une peinture du Guerchin. Rien n’était plus drolatique, ce soir, que sa figure de crucifiement se tournant vers notre conversation avec le grand et le séduisant savant qui s’appelle Claude Bernard, pendant qu’elle était obligée de répondre à deux diseuses de rien.

Et, les deux femmes parties, elle s’écrie : « Vraiment, ce serait assez de se galvauder dans le monde jusqu’à trente ans, mais, à cet âge-là, on devrait avoir sa retraite, et n’être plus bonne aux choses assommantes de la société. »

L’épisode de Henriette Maréchal, les désagréments qu’une intervention personnelle auprès du maréchal Vaillant avaient causés à la princesse, n’amoindrirent pas sa bienveillance pour les deux frères. Quand Jules mourut, elle écrivit à Edmond cette lettre désolée :

30 juin 1870, Saint-Gratien.

J’apprends à l’instant, en ouvrant mon journal, la fin de votre pauvre frère. J’ai le cœur navré en pensant à votre douleur ; la pensée de vous savoir seul, d’une existence dédoublée, me cause une véritable peine.

Quelle affreuse chose que la mort et quelle triste chose que la vie !

Je ne vous propose rien, mais sachez que vous pouvez regarder ma maison comme la vôtre. Venez-y quand vous voudrez, pour aussi longtemps que vous voudrez. Mon milieu vous est sympathique et mon affection vous est acquise.

Je vous serre tristement la main, les yeux pleins de pleurs, et espère que vous aurez le courage de souffrir vaillamment un coup si rude et malheureusement si prévu.

Votre bien affectionnée
Mathilde.

Et, depuis bientôt trente ans, aucun nuage n’est venu assombrir cette amitié noble et charmante.

Giuseppe de Nittis, le petit pâtre italien des Abruzzes, si curieusement peintre, qui débuta à Paris par une