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un volume de Darwin, regarder encore une fois vos Gavarni, enfin vous voir et faire un peu d’amitié. Vos clous et vos enfants vont-ils bien ?
Tout à vous,
Edmond de Goncourt.
Mardi, novembre 1869.
Cher ami,

Je l’ai reçue, la petite merveille typographique que vous m’avez envoyée, mais, ces jours-ci, j’ai été tellement en l’air par un sérieux traitement hydrothérapique auquel j’ai soumis mon frère que je n’ai pas eu un moment pour vous remercier…

Il y a un paysage resserré entre la bottine de Clara et le pic de Sancy qui est un vrai bijou descriptif. D’un rien, de deux désirs qui s’effleurent, vous avez fait presque un drame, avec de vrais dialogues, ce qui n’est pas commun dans les bouquins d’aujourd’hui. C’est comme cela, ô critique d’art, que vous surprenez vos amis, par des morceaux d’autobiographie amoureuse qui se trouvent être du Dorat moderne, du Dorat dix-neuvième siècle ! C’est charmant, je vous le répète, et sensuel de la manière la plus artistique.

Quant à nous, nous travaillons à notre Gavarni qui va être fini à la fin du mois.

Du livre de Flaubert ce que nous pensons ![1] — Nous pensons que notre ami a un très grand talent, mais un talent plus propre à peindre la vie provinciale que la vie parisienne. Il nous semble trop gros, trop fort, trop bien portant pour donner le nuancé des types et des existences de la capitale de la vieille civilisation…

Croyez bien que je trouve aussi dure que vous cette vie de séparation et qu’aussitôt qu’il y aura une embellie dans le temps, si mon frère n’a pas encore retrouvé ses jambes, nous tâcherons de vous décider à faire le voyage d’Auteuil et à venir un peu causer autour d’un déjeuner ou d’un dîner, avec des malades et des gens bien tristes.

Nous vous la brisons,
Edmond de Goncourt.
Bar-sur-Seine, juillet 1870.

Cher ami,

Lalanne est on ne peut plus charmant. Je lui écrirai aussitôt mon retour à Paris, fin juillet, et nous arrangerons chez

  1. L’Éducation sentimentale.