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teuse, au nom de Mlle Hermann. Une atmosphère de cordialité, de bonne enfance, de famille heureuse qui reporte la pensée à ces ménages artistiques et bourgeois du dix-huitième siècle. C’est un peu une maison riante et lumineuse, telle qu’on s’imagine la maison d’un Fragonard. »

De cette amitié de trente ans qui n’a subi que les courtes intermittences, les éclipses partielles immanquables entre nerveux, lesquelles, aux jours des raccommodements, resserrent les liens du cœur en éprouvant combien ils sont solides, il reste un nombre considérable de lettres. On trouvera celles de Jules dans le volume de sa correspondance. Nous donnerons ici quelques-unes de celles d’Edmond, en bornant notre tâche d’enchâssure aux explications nécessaires :

Mercredi, septembre 1869.

Mon cher Philippe, c’est en effet moi qui vous ai parlé dudit médecin… Il a merveilleusement guéri Flaubert, il y a trois ans ; mais, en revanche, il a très mal soigné mon frère. Ce qui fait que mon frère ne l’a pas revu et qu’il est dans la plus mauvaise situation pour vous donner une lettre de recommandation. Maintenant encore, c’est le médecin qui fait faire la plus douloureuse antichambre à ses malades, qu’on ne voit pas lorsqu’on n’arrive pas à une heure moins le quart. Où diable avez-vous connu de grands médecins qui viennent faire la parlotte avec vous, comme cela ? Le titre d’homme de lettres ! ils s’en fichent pas mal. Sauf un oculiste imbécile qui, dans ma vie, m’a soigné avec beaucoup d’intérêt et n’a pas voulu recevoir d’argent, j’ai trouvé tous les médicastres rapaces de leur temps et de mon argent. Mais enfin il a merveilleusement guéri Flaubert !

Ah ! les cochonnes d’eaux ! C’est une invention moderne pour exécuter les vivants. Mon frère est toujours sur le flanc. Nous revenons hier d’une petite ville de province où il comptait passer deux mois et dont il a été chassé par le bruit du martelage des tonneaux pour la vendange. Ici, il a retrouvé un cheval mitoyen qui ébranle la maison toute la nuit, et nous pensons partir demain ou après-demain, à la recherche d’une localité idéale où il n’y aura pas de bruit. Voilà la situation