Agréez, chère Madame, les sentiments bien affectueux et tendres d’une vieille tête blanche.
Le livre qui commence par une étude sur le grand monde parisien du second Empire, alors que, tourbillonnant et affolé, il semble saisi de cette sorte de vertige qui, déjà, avait enfiévré la société française à la fin du règne de Louis XVI, entre bientôt dans une phase d’investigation plus douloureuse et plus spéciale. Enfant, petite fille, jeune fille, Chérie se développe successivement dans ce milieu, jusqu’au jour où, subissant en elle les désordres que le célibat prolongé produit chez la femme, surtout quand s’y mêlent une imagination ardente et des espérances déçues, elle tombe, peu à peu, dans l’excès de la sensibilité morale, dans l’exaltation particulière au nervosisme. Depuis trente ans, en France, il semble s’être développé avec une intensité croissante, comme un fléau contagieux. Le langage devient rapide, bizarre et brusque, chargé d’images et d’épithètes incohérentes ou mélancoliques. Les mots usuels ne suffisent plus à exprimer les pensées mobiles et fantasques ; il faut à la névrosiaque les vocables superlatifs de la langue, ceux qu’on ne sort du dictionnaire où ils gisent que sous le coup d’émotions violentes et de sentiments excessifs. Jusqu’au jour où, fiévreuse, minée par une excitation incessante, les yeux ardents fixés sur ses illusions ou sur ses souvenirs, la malade amaigrie s’abandonne à toutes les dépravations de l’esprit. C’est l’état appelé malacie que M. de Goncourt a étudié et décrit avec la précision et la fermeté d’un nosologiste.