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revêtaient de heurts de tons et de mosaïques harmonieuses. De minces parasols chinois captaient et caressaient la lumière des deux lustres. Sur un grand divan qu’obombrait, comme une toile de tente, un vélum de soie, la maîtresse de la maison avait fait asseoir à ses côtés Mme Alphonse Daudet, Mme José Maria de Heredia, Mme Zola et Mme Georges Charpentier. Autour d’elles, leurs maris debout et MM. Ph. Burty, Huysmans, Céard et Alexis. M. Edmond de Goncourt s’assied devant une petite table qui porte une lampe ; le cercle se referme autour de lui, et, d’une voix tremblante, saccadée, entrecoupée, il commence la lecture des parties terminées de la Fausta.

Car elle s’appela ainsi jusqu’à la veille de la publication du livre, cette Faustin agitée qui enfièvre le récit par la continuelle excitation de ses nerfs et de son esprit, et qui présente un des phénomènes rares et stupéfiants qui sont du ressort des vésanistes. Comédienne hantée impérieusement par son art, assoiffée par l’inquiétude du nouveau, elle sent tressaillir en elle une Phèdre névrotique et modernisée. L’idée lui vient de remonter aux sources grecques d’Euripide pour faire jaillir du texte même des sensations oubliées, faire passer dans ses nerfs un frisson inconnu et tenter de transfuser une vie maladive dans les périodes de Racine, bandelettes harmonieuses qui enroulent magnifiquement l’amour incestueux de sa Phèdre.

Racine lui-même, parlant de Britannicus, dans sa première préface, semble avoir défini le roman d’Edmond de Goncourt : « une action simple chargée de peu de matière et qui, s’avançant par degrés vers sa fin, n’est soutenue que par les… sentiments et les passions des personnages. » Oui ! dans un récit sans fable, chargé de peu de matière, avec une rigueur