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Pour une raison oubliée, la première lecture du manuscrit des Frères Zemganno n’eut pas lieu avenue de l’Observatoire. L’auteur réunit un jour ses amis à Auteuil, et, dans un article du 15 mars 1879, M. Alphonse Daudet fit part aux lecteurs de la Revue de France des impressions qu’il avait ressenties : « De Goncourt réunit ce matin quelques intimes pour leur lire, avant déjeuner, son roman nouveau. Dans le cabinet de travail sentant bon le livre et comme éclairé, du haut en bas, par l’or bruni des reliures, j’aperçois, en ouvrant la porte, la forte carrure d’Émile Zola, Yvan Tourguéneff, colossal comme un dieu du Nord, avec sa longue barbe jaunissante, et la fine moustache noire, sous des cheveux en coup de vent, du bon éditeur Charpentier. Flaubert manque : il s’est cassé la jambe l’autre jour ; et, à ce moment, cloué sur une chaise longue, il fait retentir la Normandie de formidables jurons carthaginois.

« Edmond de Goncourt paraît cinquante ans. Il est parisien mais d’origine lorraine ; Lorrain par la prestance, Parisien par la finesse ! Des cheveux gris, d’un gris d’ancien blond, l’air aristo et bon garçon, la haute taille droite, avec le nez en chien de chasse du gentilhomme coureur de halliers ; et, dans la figure, énergique et pâle, un sourire perpétuellement attristé, un regard qui parfois s’éclaire, aigu comme

    lettre inédite adressée à M. Ph. Burty :

    18 septembre 1878.
    Mon cher ami,

    Je voulais aller vous voir, ma j’ai eu à courir les saltimbanques et les clowns ! Par là-dessus, j’ai établi le premier chapitre de mon roman et écrit la préface du livre de Théo. Aujourd’hui je pars passer la fin du mois chez la princesse. À mon retour, il faudra passer ensemble une journée où vous me raconterez vos victoires japonaises et sémitiques.

    Tout à vous,
    Edmond de Goncourt.