Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/161

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

XVIII

Manette Salomon.

La femme, dans les Hommes de lettres tue l’écrivain ; dans Manette Salomon elle tue l’artiste. Ces deux livres qui se suivent de loin, à huit ans de distance, semblent écrits en haine d’elle, dans l’ardeur de représailles. Ils se renforcent et se complètent comme les termes accumulés d’une même démonstration ou les pendants équilibrés et symétriques d’un même sujet.

Les Goncourt ne méprisent pas seulement la femme comme styliste[1], ils la tiennent pour un être superlativement dangereux, d’intelligence médiocre, menée par ses nerfs et par son tempérament. Ils s’en expliquent nettement dans Manette quand ils parlent des compagnes des artistes : « La femme, en général, ne leur paraît pas être au niveau de leur cervelle. Il leur semble qu’elle peut être l’égale, la pareille, et, selon le mot expressif et vulgaire, la moitié d’un bourgeois, mais ils jugent que, pour eux, il n’y a pas de com-

  1. On lit dans le Journal : « Jeudi, 21 mai (1857) — Il faut à des hommes comme nous, une femme peu élevée, peu éduquée, qui ne soit que gaieté et esprit naturel, parce que celle-là nous réjouira et nous charmera ainsi qu’un agréable animal auquel nous pourrons nous attacher. Mais que si la maîtresse a été frottée d’un peu de monde, d’un peu d’art, d’un peu de littérature et qu’elle veuille s’entretenir de plain-pied avec notre pensée et notre conscience du beau, et qu’elle ait l’ambition de se faire la compagne du livre en gestation ou de nos goûts, elle devient pour nous insupportable, comme un piano faux, et, bien vite, un objet d’antipathie. »