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longtemps étrangère à l’œuvre des Goncourt qui, il faut le reconnaître, dans la tour d’ivoire de leur art, semblaient résolus à vivre solitaires, avait compris enfin ce qu’il y a de nouveauté et d’éclat dans leurs livres. M. de la Rounat, directeur de l’Odéon, qui avait été, en 1865, un des siffleurs d’Henriette, sentit naître en lui une velléité de réhabilitation. Son lieutenant, M. Porel, attisa ce remords littéraire et la reprise de la pièce fut proposée à M. Edmond de Goncourt. L’auteur survivant ne se dissimulait pas les parties faibles d’Henriette, et il hésita longtemps à remettre la pièce en question. Une légende s’était formée autour de sa chute, le public avait pris pour une œuvre naturaliste un drame d’essor poétique et de libre fantaisie ; la génération nouvelle ne l’avait pas vu. Convenait-il de rouvrir un champ de querelles apaisées ? M. de Goncourt prit son temps pour réfléchir et pour consulter ses amis. Il écrivit, le 1er juin 1882, à M. Alphonse Daudet :

« Mon cher petit,

« J’ai écrit à votre femme pour qu’elle m’invite à dîner au commencement de la semaine prochaine. Je tiendrais d’autant plus à l’invitation que la Rounat me demande à reprendre Henriette Maréchal et que je ne veux pas lui donner une réponse avant de causer avec vous. J’ai remis le rendez-vous qu’il me demandait pour cette semaine à la fin de la semaine prochaine.

« Amitiés au gentil ménage.
« Edmond de Goncourt. »

Sans grand enthousiasme, l’autorisation de monter Henriette Maréchal fut donnée à M. de la Rounat, à la condition qu’il ferait suivre le texte primitif, sans coupures. M. E. de Goncourt refusa même d’effacer l’apostrophe devenue fameuse : « Abonné de la Revue des