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se tenaient à l’écart de la politique ; ils n’avaient jamais rien demandé à l’Empire, et, si vraiment leur pièce, entrée au Théâtre-français par la libre volonté du Comité, avait échappé aux griffes de la censure par l’influence de la princesse Mathilde, ce n’était là qu’un fait, d’un caractère libéral, qui n’avait pas fait siffler la Dame aux Camélias, rendue à M. Dumas fils par M. de Morny et le Fils de Giboyer dont l’Empereur lui-même avait levé l’interdit.

Mais les républicains d’alors se souciaient fort peu d’avoir raison ; ils voulaient créer une agitation et faire du bruit. La censure, tant honnie, tant vilipendée jusque-là, dut être bien étonnée de se voir défendue, d’office, par ses adversaires ordinaires, simplement parce qu’elle paraissait avoir été obligée de céder à l’influence d’une princesse. M. Henri Rochefort qui préludait alors, dans des articles très drôles du Figaro, aux coups de lanterne dont il allait assommer l’Empire, était, cela va de soi, du parti des révoltés : « La censure n’a le droit d’interdire une pièce que si elle est choquante pour les mœurs ou dangereuse pour la sécurité publique. La comédie de MM. de Goncourt est immorale ou elle ne l’est pas… Si elle l’est, les hautes protections servent donc à faire représenter des œuvres dissolvantes et corruptrices ! » Et M. Rochefort ajoutait, en parlant des auteurs : « Ils avaient pour réussir un procédé élémentaire, c’était d’agir comme tout le monde… Ils ont signé leur déchéance le jour où ils ont mis une haute protection dans l’affaire. »

Une partie du public croyait donc à une intervention incessante de la princesse Mathilde. On exagérait son rôle ; on sifflait, par un sentiment mal défini d’opposition. Là était le motif, et non ailleurs. L’argu-