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Cette lettre amena la scène racontée dans le Journal : « 8 mai (1865) — Nous sommes devant une table recouverte d’un tapis vert, où il y a un pupitre et de quoi boire, et nous avons, en face de nous, un tableau représentant la mort de Talma.

« Ils sont là dix, sérieux, impassibles, muets.

« Thierry se met à lire. Il lit le premier acte : le Bal de l’Opéra, dans le rire et au milieu de regards de sympathie adressés à notre fraternité. Puis il entame tout de suite le second acte et passe au troisième. En nos cervelles, pendant cette lecture, peu d’idées ; au fond de nous, une anxiété que nous essayons de refouler et de distraire, en nous appliquant à écouter notre pièce, les mots, le son de la voix de Thierry, le lecteur.

« Le sérieux a gagné les auditeurs, le sérieux fermé, cadenassé, qu’on cherche à interroger, à surprendre. C’est fini.

« Thierry nous a fait lever et nous mène dans son cabinet.

« Nous nous sommes assis dans ce cabinet… Les minutes sont éternelles. Nous entendons, à travers une des deux portes, qui seule est fermée, le bruit des voix, au milieu desquelles domine la voix de Got dont nous avons peur ; puis c’est un doux et successif petit bruit métallique de boules tombant dans du zinc.

« Mes yeux sont sur la pendule qui marque 3 heures 35 minutes. Je ne vois pas entrer Thierry, mais quelqu’un me serre les mains et j’entends une voix de caresse qui me dit : “Vous êtes reçus et bien reçus.”

« Là-dessus il commence à nous parler de la pièce, mais, au bout de deux minutes, nous lui demandons à nous sauver, à nous jeter dans une voiture décou-