Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/117

Cette page a été validée par deux contributeurs.

lignes, sur leur cahier de notes : « Mlle ***, la cordialité et la loyauté d’un homme alliées à des grâces de jeune fille ; la raison mûrie et le cœur frais ; un esprit enlevé, on ne sait comment, du milieu bourgeois où il a été élevé, et tout plein d’aspirations à la grandeur morale, au dévouement, au sacrifice ; un appétit des choses les plus délicates de l’intelligence et de l’art ; le mépris de ce qui est, d’ordinaire, la pensée et l’entretien de la femme. Des antipathies et des sympathies à première vue, et vives et braves, et des sourires d’une complicité délicieuse pour ceux qui la comprennent et des figures longues, comme dans le fond d’une cuiller, pour les raseurs, les jeunes gens à citations, les bêtes ; et mal à l’aise dans le mensonge du monde, disant ce qui lui vient comme il lui vient, avec une entente singulière de l’esprit d’atelier, avec un tour de mots tintamarresque ; cette gaîté de surface venant d’un fond d’âme mélancolique, où passent des visions de blanc enterrement et reviennent des notes de la marche funèbre de Chopin. Passionnée pour monter à cheval, pour conduire un panier, elle se trouve mal à la vue d’une goutte de sang, a la terreur enfantine du vendredi, du nombre treize, possède tout l’assemblage des superstitions et des faiblesses humaines et aimables chez une femme : faiblesses mêlées à d’originales coquetteries. »[1]

Trois ans après, Renée était en train de peindre dans un petit atelier que son père lui avait fait bâtir, au fond d’un jardin. Jules fit d’elle un portrait au crayon qui est conservé dans les cartons d’Auteuil. La jeune fille, de profil, à droite, travaille devant un chevalet. Quelques roses sont piquées dans sa chevelure ; le

  1. Journal, I, 146.