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« … Non, il n’y a pas trop d’horreurs. Pour mon goût personnel, il n’y en a même pas assez ! mais ceci est une question de tempérament. Vous vous êtes arrêtés sur la limite. Il y a des traits exquis, comme le vieux qui tousse, par exemple, et le chirurgien en chef au milieu de ses élèves, etc. Votre fin est splendide : la mort de Barnier.

« Il fallait faire ce que vous avez fait ou bien un roman en six volumes et qui eût été probablement fort ennuyeux. On vous a contesté, jusqu’à présent, la faculté de plaire ; or, vous avez trouvé le moyen, cette fois-ci, de plaire à tout le monde. J’en suis convaincu et ne serais point du tout étonné si Sœur Philomène avait un grand succès.

« Je ne vous parle pas du style. Il y a longtemps que je lui serre la main tendrement, à celui-là… »

En 1887, un jeune comédien, fortement épris des choses du théâtre, créa, dans une salle minime de Montmartre, perdue au fond du tortueux passage de l’Élysée des Beaux-Arts, ce qu’il appela le Théâtre libre. C’est une sorte de refuge des affligés littéraires fondé pour donner l’hospitalité d’une nuit, aux pièces de théâtre sans asile qui ont été mises à la porte par les directeurs des vraies scènes. Là, M. Antoine a pris à tâche de recueillir ces épaves, après leurs Odyssées plus ou moins entêtées et persévérantes. Il eut l’idée de jouer deux actes en prose que MM. Jules Vidal et Arthur Byl avaient tirés de Sœur Philomène.

Donné in extenso, sans coupures et sans retouches, devant un public restreint d’hommes de lettres et d’amis, il se trouva que ce drame renfermait de véritables qualités littéraires. Les auteurs avaient su faire une pièce d’un roman tout en nuance qui se passe, comme la vie, sans préoccupation de charpente et de composition.

Elle fut jouée au mois d’octobre 1887, et la presse fut presque unanime à faire ressortir ses qualités de forme, la mise en scène exacte et la réalité solidement soulignée par le détail pittoresque. M. Antoine, qui