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GÉRARD DE NERVAL

bour et boire de la cymbale. Il avait beau dire : « Je me sens vivre en elle, et elle vit pour moi seul. Son sourire me remplit d’une béatitude infinie ; la vibration de sa voix si douce et cependant fortement timbrée me fait tressaillir de joie et d’amour. Elle a pour moi toutes les perfections, elle répond à tous mes enthousiasmes, à tous mes caprices, belle comme le jour aux feux de la rampe qui l’éclaire d’en bas ; pâle comme la nuit, quand la rampe baissée la laisse éclairée d’en haut sous les rayons du lustre et la montre plus naturelle, brillant dans l’ombre de sa seule beauté, comme les Heures divines qui se découpent, avec une étoile au front, sur les fonds bruns des fresques d’Herculanum… » Il avait beau dire et beau faire : l’image du jeune homme « correctement vêtu, à la figure pâle et nerveuse, » qu’il avait entrevu un soir, venait obstinément flotter, comme une ombre importune, devant l’image radieuse de la bien-aimée. Ce fruit d’or, digne du jardin des