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aux esprits libres

sés ? Sans doute, la naïveté avec laquelle nos pères s’énonçoient, et qu’on a depuis si injustement qualifiée du nom de langage libre, étoit la base et le garant de la pureté de leurs mœurs.

Leur façon de vivre étoit aussi simple que leur langage ; parmi eux, oui vouloit dire effectivement oui, et non exprimoit exactement non. Point de ces subterfuges qui sont autant de ressources pour la mauvaise foi, et d’écueils de la solidité de l’esprit.

La malignité des termes équivoques, d’autant plus dangereuse qu’elle fait les délices des petits esprits, et par conséquent du plus grand nombre, n’étoit point encore connue.

Quelle contrainte ces fausses idées qu’on attache aujourd’hui à un grand nombre de manières de s’exprimer, n’apportent-elles pas dans la société  ? Il faut en exposer ici quelques exemples.

Qu’une femme à qui vous parlerez d’un voyage agréable et curieux que vous aurez fait, vous dise  : Je meurs d’envie de le faire, les sots éclatent de rire, et les fausses prudes rougissent.

Céliante se donne la torture pour mettre son gant trop étroit pour sa main  ; vous n’oseriez jamais lui dire  : Madame, voulez-vous que je vous le mette  ? ni même  : que je vous l’ôte  ? parce que notre esprit corrompu va plus loin que les termes propres ne signifient, et qu’il suppose que, pour l’ôter, il faut l’avoir mis, et qu’il soit dedans.

Si vous vous servez de ces termes simples, vous passez pour un sot, ou du moins pour un mauvais plaisant.

À peine est-il permis de dire que la Marne se décharge dans la Seine, ou qu’un fusil est chargé.