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aux esprits libres

sinon que notre âme est un fumier sur lequel poussent les fleurs — de rhétorique. Rien, sinon qu’au lieu de laisser aux femmes le bégueulisme des paroles, nous l’affichons comme la feuille de vigne de l’impudicité, faisant ainsi semblant d’ignorer que jamais la pureté de l’âme humaine n’a été entamée par les familiarités les plus stercoréennes du langage humain. Il ne nous manquait que cette hypocrisie-là pour être complets  !

Les questions morales que cela soulève sont de la plus haute importance, et j’aurais grande joie à les examiner ici avec détails, afin de vider une bonne fois sur la tête d’un public béotien le panier de mes colères et de mes ironies. Mais, par malheur, la place me manque, mon cadre me force à me borner  : à peine me reste-t-il quelques lignes.

J’abrège donc, ne voulant d’ailleurs prouver rien autre que mon droit à réunir en corps de livre une cohue d’expressions pittoresques auxquelles le Dictionnaire de l’Académie fera faire éternellement le pied de grue, sans daigner même entre-bâiller un de ses feuillets pour en laisser entrer quelques-unes chez lui. « Toutes les langues roulent de l’or, » a dit Joubert, — et l’argot d’un peuple entier est une langue, spécialement l’argot érotique  ; s’il vit en marge du Dictionnaire officiel, comme les gens qui le parlent vivent en marge de la société officielle, il n’en finira pas moins, à un moment donné, par se confondre comme eux dans la circulation générale.

Au reste, peu me chaut ! C’est déterminément que j’ai composé le recueil pornographique que je publie aujourd’hui, sans arrière-pensée mauvaise, non pour tenter mes contemporains