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aux esprits libres

tion aux curiosités malsaines des libertins, vieux ou jeunes, qui se jettent sur les livres obscènes comme les mouches sur des rayons de miel  : j’ai trop le respect de moi-même pour descendre à une aussi puérile infamie, quelque haut prix qu’elle rapporte à son auteur. Le métier de masturbateur intellectuel peut avoir des avantages précieux pour les gens qui croient, avec Vespasien, que l’argent ne pue point  ; mais comme je ne me sens pas le moins du monde porté à l’exercer, je ne l’exerce pas. Mes visées sont plus hautes et mes habitudes d’esprit moins malpropres. J’ai le style gaillard, mais l’intelligence chaste.

La langue française étant, de l’avis de Voltaire, « une gueuse fière à qui il faut faire l’aumône malgré elle, » j’ai voulu essayer de glisser dans la poche de son Dictionnaire légal, si pauvre, la plupart des expressions du Dictionnaire interlope, si riche, que je publie aujourd’hui, malgré ses imperfections involontaires et ses omissions inévitables. Je me suis fait le saint Vincent de Paul des nombreux mots orphelins qui grouillent dans le ruisseau, des nombreuses expressions vagabondes qui se morfondent depuis si longtemps à la porte du Dictionnaire de l’Académie, et je leur ai construit, à mes frais, un petit hospice en attendant qu’on songe à les admettre dans le grand.

Ce qui se parle doit s’écrire, et tout doit se parler — même devant les jeunes filles. Les mots ne sont pas ordes, ce sont les pensées qui sont sales. La lecture de l’Arétin et la vue des priapées du Musée secret de Naples sont moins corruptrices que beaucoup de romans que je pourrais citer, et je serais même disposé à absoudre le marquis de Sade (assuré que je suis de