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Me dit-il. À ces mots, juge de mon effroi !
Je reconnais ton fils, il expire pour moi !
Mes frémissantes mains détachent son armure.
Le sang à gros bouillons jaillit de sa blessure.
Il meurt !… Un dieu m’inspire en ces affreux momens !
De mon libérateur je prends les vêtemens ;
Et seul, enveloppé de la nuit la plus sombre,
Éteignant le flambeau qui m’a guidé dans l’ombre,
Je sors… La garde accourt ; et, servant mon dessein,
Par l’ordre du consul, vient sauver l’assassin.
Sous l’habit du Sarmate, et tenant son épée,
J’emporte dans le sang ma dépouille trempée.
La garde, qui croit voir l’auteur de mon trépas,
Jusqu’aux portes de Rome accompagne mes pas !…
Je suis libre ; et pour moi mon vengeur perd la vie !

NICANOR.

Il a fait son devoir, et je lui porte envie.
Il a rempli mes vœux : du fond de mon cachot,
C’est moi qui l’instruisis de cet affreux complot.
C’est moi qui lui montrai les murs du Capitole.
Il a sauvé vos jours, et pour vous il s’immole !
Malheur à tout soldat qui, traître à son pays,
En retrouvant son prince, ose pleurer son fils !
Oui, Tygrane ! à mes yeux ton sort est plein de charmes.
Tes mânes frémiraient, indignés de mes larmes !…
Il voulait vous venger, remplissons ses desseins.
Dans ce palais affreux, c’est pour vous que je crains.
Aux yeux de vos sujets il est temps de paraître.
Sortons ! je sens pour vous mon courage renaître.

DÉMÉTRIUS.

Demeure, ou tu trahis l’espoir qui m’est rendu !
L’instant de la vengeance est encor suspendu.