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À MA MÈRE



En vain dans mes transports ta prudence m’arrête ;
Ma mère, il n’est plus temps ; tes pleurs m’ont fait poëte !
Si j’ai prié le Ciel de me les révéler,
Ces chants harmonieux, c’est pour te consoler.
D’un tel désir pourquoi me verrais-je punie ?
Les maux que tu prédis ne sont dus qu’au génie ;
À d’illustres malheurs, va, je n’ai pas de droits :
Quel cri peut s’élever contre une faible voix ?
Vit-on jamais les chants d’une muse pieuse
Exciter les clameurs de la haine envieuse ?
Non, l’insecte rongeur qui s’attache au laurier
Épargne en son dédain la fleur de l’églantier.
Ah ! de la gloire un jour si l’éclat m’environne,
Comme une autre parure acceptant sa couronne,
Je dirai : « Son éclat sur toi va rejaillir ;
» Aux yeux de ce qui m’aime elle va m’embellir. »
À ce cruel destin, hélas ! me faut-il croire ?
Pourquoi me fuirait-on ? Le flambeau de la gloire,
Dont la splendeur effraie et séduit tour à tour,
N’est qu’un phare allumé pour attirer l’amour ;
Qu’il vienne !… Sans regret et changeant de délire,
Au pied de ses autels j’irai briser ma lyre ;
Mais dois-je désirer ce bonheur dangereux ?

Hier, il m’en souvient, je fis un rêve heureux :
L’être mystérieux qui préside à ma vie,
Ce fantôme charmant dont je suis poursuivie,