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MAGDELEINE, CHANT II

» Et, le voyant paré de gloire et de malheurs,
» Je cédai sans remords au charme de ses pleurs.
» Mais devez-vous punir ma pitié généreuse,
» Vous !… dont l’ardeur légère, hélas ! plus dangereuse,
» A soumis ma tendresse à des tourments nouveaux ?
» Ah ! l’inconstant Joseph a besoin de rivaux !
» Sans craindre leurs succès votre amour ne peut vivre :
» Et leur encens flatteur, c’est vous seul qu’il enivre !…

» — Excuse mensongère !… inutiles détours !…
» À cette ruse en vain mon dépit a recours ;
» En vain, moi, pour dompter ton amour par la crainte,
» Cherchant à me parer d’une inconstante feinte,
» Je porte mon hommage aux pieds de Salomé ;
» Sans joie, indifférent au bonheur d’être aimé,
» Plein de ton souvenir, je suis distrait près d’elle,
» Et sans la regarder, je lui dis qu’elle est belle ;
» Lorsque de ma tendresse elle exige un serment,
» Ma voix le dit sans trouble, et mon cœur le dément ;
» Si je veux l’appeler quand sa douleur me touche,
» C’est ton nom qui toujours s’échappe de ma bouche.
» En voulant me venger je suis encore à toi ;
» Mais c’en est trop… je veux…

» Mais c’en est trop… je veux… — Joseph ! regarde-moi…
» Ingrat !… ne vois-tu pas ton pouvoir sur mon âme,
» Mon trouble, mon bonheur, quand ton regard de flamme
» Sur mon front embelli descend avec amour ?…
» Ah ! pour moi, ce regard enivrant est le jour !…
» Oui, l’Arabe égaré dans sa lointaine course
» Voit avec moins d’espoir le cristal d’une source…
» Le lis a moins d’orgueil au lever du soleil…
» Et la nouvelle mère, épiant le réveil