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                   LETTRE DE NAPOLINE


                                                                         Paris, 15 mars 1831.

Il y a deux jours que tu es partie, Delphine, deux jours seulement… et pendant ce peu d’instants toute mon âme s’est changée, tout l’espoir de mon avenir a disparu ! Il y a deux jours, hélas ! j’étais si joyeuse et si aimante ! Aucun grand événement ne s’est passé, et cependant je vais mourir… et mon cœur est désenchanté, et je n’aime plus.

C’est une chose triste pour moi de quitter la vie sans te dire adieu, à toi qui m’as toujours aimée, avec qui j’ai passé les seuls moments heureux de mon enfance. Je te regrette, et cependant ta vue me ferait mal ; elle me rappellerit ma joie perdue ; car tu es encore toute parée de mon espérance, et ta présence seule me rendrait ces émotions délicieuses, ces idées enivrantes qu’il a fallu noyer dans mon cœur.

Ah ! qu’elle était belle cette espérance quand tu m’as quittée ! et que le souvenir en est amer et déchirant !… Non, je ne veux pas te revoir ; d’ailleurs, tu m’aimes, toi ; tu m’empêcherais de mourir ; et la vie m’est devenue si odieuse, que ton amitié ne suffirait plus pour m’aider à la supporter.

Ce qui m’étonne, c’est que l’on souffre ce que je souffre, et que l’on vive encore ; c’est que le cœur puisse ne briser ainsi à toutes les heures et battre encore ; c’est qu’il faille une résolution, un suicide, pour rnettre un terme à un tourment qui devrait tuer…