Page:Delphine de Girardin - Poésies complètes - 1856.djvu/122

Cette page n’a pas encore été corrigée

Car elle m’apparait toujours joyeuse et belle,
Ainsi que je la vis pour la dernière fois.
Mourante… dans les pleurs, jamais je ne la vois.
C’est un horrible effet que je ne saurais rendre…
Cette mort que j’oublie… et qu’il me faut rapprendre.
Et pourtant je souris en vous partant de nous,
Car, malgré ce malheur, mes souvenirs sont doux.

                                ――

En arrivant au bal chez la noble étrangère,
Napoline marchait, élégante, légère,
Et joyeuse — à son oncle elle donnait le bras.
De salons en salons ils portèrent leurs pas ;
Et c’était pour chacun un aimable sourire,
Et des propos flatteurs qu’au bal on doit se dire.
Les hommes la suivaient d’un regard long et doux ;
Les femmes l’honoraient de leurs regards jaloux ;
Et chacun admirait sa beauté ravissante.
Soudain un échappé de la meute dansante,
Un danseur aux abois vient l’inviter au vol ; —
C’était un étranger, un petit Espagnol,
Un de ces inconnus dont on n’est jamais fière.
Son air était commun, sa mine singulière ;
Il portait des gants verts, et parlait mal français.
Or, plaire à ce monsieur n’était pas un succès.
Elle se consola de sa mésaventure.
La danse n’étant plus qu’un combat en mesure,
Un danseur dans la foule est un guide, un soutien ;
Dans le nombre on n’est pas responsable du sien.
Qu’on en ait de petits, de bossus, de maussades,
Qu’importe ? — ce qu’il faut, c’est parer les glissades :
C’est sortir, si l’on peut, du siège en bon état,
Et sauver, sans affront, ses manches du combat.