Page:Delorme - La Misère au sein des richesses, réflexions diverses sur Haïti, 1873.pdf/26

Cette page a été validée par deux contributeurs.

saint-Louverture n’avait pas été plus respecté au plus haut période de sa puissance. Le khan de Tartarie n’est pas plus omnipotent que ne l’était l’empereur Faustin.

C’était là le moment, si l’on eût eu de bonnes intentions, de changer la situation du pays et d’améliorer, par suite, le sort de ces pauvres populations rurales, qui vivent dans le dénuement au milieu de toutes les richesses de la nature. Tout ce qu’on aurait entrepris dans ce sens aurait réussi. On n’y aurait trouvé aucun obstacle. Des réformes radicales, des travaux sérieux, exécutés dans ce but au moyen de mesures efficaces, eussent, non point justifié, rien ne peut justifier le crime, mais fait pardonner peut-être les violences qui avaient servi à fonder ce régime. Mais il fallait pour cela être capable de comprendre ce qu’il y avait à faire et être assez bien inspiré pour l’entreprendre. On ne fit rien. On imagina de prélever le cinquième ou plutôt le quart de la récolte du café, sans chercher à augmenter la production de ce café. On fit des princes, des ducs, des comtes, des barons, des marquises et des chambellans. On s’enrichit tout à son aise, contrairement aux traditions de nos hommes d’État ; et l’on se maintint au pouvoir, grâce à l’épouvante qu’on entretenait, jusqu’au jour où, les ressorts étant usés, la machine tomba.

Le gouvernement qui vint après eut, dans la rare popularité qui l’entourait dans le principe, une force égale à celle que la terreur avait donnée à son prédécesseur. Le pays respirait après la longue anxiété dans laquelle il venait de vivre ; et dans l’enthousiasme où il était, on