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faiteurs de leur pays si, au lieu de se servir des sévérités du code rural pour combattre le président Boyer dans l’esprit des masses, ils eussent pris pour mol d’ordre le progrès matériel et moral de la République, et si, arrivés au pouvoir, ils se fussent appliqués à fonder un gouvernement d’action qui pût remettre Haïti dans l’ancienne prospérité de Saint-Domingue. Ils eussent pu facilement, populaires comme ils l’étaient, faire comprendre à leurs concitoyens que la jouissance de leurs droits politiques impliquait tout d’abord l’obligation de redoubler d’ardeur au travail pour accomplir, dans leurs propres intérêts, la pensée de leurs pères. Ils avaient assez d’intelligence et assez de lumières pour se rendre compte du rôle qu’ils avaient à jouer au pouvoir et pour trouver le moyen de le remplir.

Cependant, le président Boyer parti ils ne se sont occupés que du soin de bâtir savamment une constitution décentralisatrice, imitant en cela ce qui s’était passé ailleurs en pareille rencontre, sans tenir compte de la différence des situations. Ils crurent avoir accompli les promesses de réformes faites au pays, ils crurent avoir régénéré ce pays, c’est le mot même dont ils se servaient, en coordonnant laborieusement les dispositions nouvelles de la charte de 1843. Ils avaient exécuté ce travail, abstraction faite de toutes conditions pratiques à observer en pareille matière, d’après le plus séduisant idéal de libre arbitre politique et de self-government, comme si on faisait une constitution comme on fait un traité philosophique ou un roman.