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— Qu’elle s’arrange ! Par mes soins, elle a reçu une excellente éducation… mais nous avons tout lieu de craindre qu’elle suive les traces de sa misérable mère. Tant pis pour elle ! Comme elle sera sans excuse, je la chasserai impitoyablement dès qu’il me sera démontré qu’elle est indigne de ma protection… et elle deviendra alors ce qu’elle pourra.

Florine ne releva pas ces paroles. Un pli barrait son front bas, que dégageaient les cheveux blonds frisés avec art. Toujours, elle avait ressenti une vive jalousie pour les femmes douées de beauté ou d’un charme qui leur attirait les hommages masculins. Cette tendance de son âme vaniteuse et sans élévation s’était fortement accentuée, depuis qu’elle s’acheminait vers la trentaine et commençait de voir se faner la fraîcheur de ses vingt ans. Mais jamais, peut-être, elle n’avait ressenti cette impression aussi profondément qu’à la vue de cette Mitsi, de cette servante à l’origine équivoque… C’est que — il fallait bien qu’elle se l’avouât franchement — jamais il ne lui avait été donné de rencontrer une physionomie aussi remarquable, autant par la finesse des traits que par le charme saisissant de l’expression. En outre, elle avait fort bien constaté l’allure singulièrement élégante et souple de Mitsi, sous le costume de couvent dont elle était fagotée, puis aussi la grâce un peu fière de son attitude et cette distinction rare qui avait aussi frappé la présidente. En un mot cette « créature », comme l’appelait en elle-même Florine, avec un mépris rageur, se permettait d’être pourvue de toutes les séductions, et en outre de posséder la toute première jeunesse qui faisait maintenant défaut à la belle Mlle Dubalde.

Ainsi, dès son arrivée, la pauvre Mitsi, sans le savoir, s’attirait une animosité à laquelle bientôt allaient s’en ajouter d’autres.