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son honorable, sous la surveillance de la femme très estimable qui a bien voulu vous accorder sa protection. Si vous vous conduisez bien, elle assurera très probablement votre avenir. Que pouvez-vous demander de mieux, dans votre situation ?

Tandis que la religieuse parlait, le teint délicatement ambré de la jeune fille se couvrait de brûlante rougeur… Oui, Mitsi se rendait bien compte que sa prévention à l’égard de la présidente avait toutes les apparences de l’ingratitude. Elle comprenait qu’aux yeux de la supérieure qui ne voyait en elle qu’une enfant d’origine équivoque, recueillie, élevée par charité, sa répugnance devant des fonctions de domesticité parût un signe d’orgueil peu compréhensible dans sa position… Puis cette bonne sœur Mathilde, excellente femme, n’avait pas l’intelligence et surtout les intuitions délicates de sœur Hélène. Celle-ci aurait compris aussitôt la révolte secrète de cette nature fine, sensitive, qui se souvenait des impressions pénibles d’autrefois… de cette petite Mitsi qui, physiquement et moralement, semblait faite pour vivre dans les milieux les plus raffinés. Certes, elle ne l’aurait pas engagée à la résistance, mais elle aurait su l’encourager, lui montrer comment, en conservant toute sa fière dignité, elle pourrait accomplir la tâche qui l’attendait là-bas. En un mot, Mitsi aurait eu l’impression d’être de sa part l’objet d’une affectueuse compassion, tandis qu’elle voyait bien que sœur Mathilde la blâmait pour ce qu’elle considérait comme un amour-propre intempestif… Aussi garda-t-elle en son for intérieur ses réflexions amères, et renferma-t-elle dans son cœur palpitant ses angoisses et son chagrin. Dieu seul en connut la profondeur, et aussi, quelques jours plus tard, la sœur Hélène à qui Mitsi écrivit le lendemain pour lui apprendre le pénible changement survenu dans sa vie.