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physique. Elle sera délicieusement jolie, séduisante entre toutes… Pauvre petite, quel danger pour elle, dans l’isolement moral qui sera le sien !

Marthe, la jeune lingère, écrivait une ou deux fois par an à Mitsi, qu’elle n’oubliait pas. Elle lui avait appris successivement le mariage de M. de Tarlay avec la comtesse Wanzel, la naissance d’un héritier qui avait coûté la vie à la jeune femme, les continuelles absences du vicomte, qui voyageait beaucoup et, entre temps, menait à Paris la grande vie mondaine, en laissant comme auparavant la direction des forges à Parceuil, « de plus en plus mauvais et injuste », ajoutait Marthe. Quant à la présidente, un moment évincée par le mariage de son petit-fils, elle avait repris bientôt après son veuvage le gouvernail de l’intérieur. Sa filleule Florine continuait d’être fort souvent près d’elle, sans souci de laisser seul un père âgé, dont elle était l’unique enfant. Sans doute, chuchotait-on, n’avait-elle pas abandonné l’espoir de conquérir enfin M. de Tarlay… Toujours est-il qu’elle avait refusé plusieurs très bons partis, et qu’à vingt-huit ans, elle se trouvait encore à marier.

Tous ces détails laissaient Mitsi indifférente. Elle avait emporté tant de mauvais souvenirs de Rivalles et de ses habitants !… Et puisque, de toute vraisemblance, elle n’était pas destinée à les revoir, mieux valait qu’elle s’efforçât de les oublier.

En ce dimanche de printemps, elle chantait de toute son âme dans la petite chapelle où le vieil aumônier achevait de dire sa messe. Très musicienne d’instinct, elle avait sur ce point encore admirablement profité des leçons données par sœur Hélène et l’un de ses plus grands plaisirs était de passer de longs moments à l’harmonium sur lequel, souvent, elle improvisait des airs pour les cantiques chantés par les religieuses et les élèves.