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lever sur elle des regards pleins d’adoration. Aussitôt, l’habile femme avait vu le parti à tirer d’une telle situation. Il s’agissait de manœuvrer Jacques Douvres, qui devait tenir pour son héritière à un parti beaucoup plus brillant que Louis Debrennes, jeune magistrat d’avenir, mais sans grande fortune. La présidente s’en chargea, et avec tant d’adresse que, quelques semaines plus tard, on annonçait les fiançailles de Louis avec la fille de l’opulent industriel. Elle voyait se réaliser ainsi toutes ses ambitions, de façon inespérée, car Lucie Douvres était à cette époque l’un des plus magnifiques partis de l’Europe. Quant à Louis, il se trouvait heureux près de cette femme charmante qu’il aimait, dont il était aimé… Son bonheur dura trois ans. Puis une fièvre typhoïde enleva Lucie. Lui-même fut atteint de cette maladie et, son inconsolable chagrin aidant, il ne s’en remit jamais.

Jacques Douvres, quoique profondément atteint par la mort de cette fille chérie, continua de diriger sa puissante industrie. Dans les dernières années de sa vie, il avait pris comme aide Flavien Parceuil, que la présidente Debrennes lui recommandait. Cet homme intelligent, habile et fourbe, sut se rendre indispensable au vieillard dont l’âge et le goût de la flatterie altéraient le jugement autrefois si sûr. À ses derniers moments, Jacques Douvres dit à son gendre :

— Puisque votre santé vous empêche de vous occuper activement des affaires, mon cher Louis, mettez toute votre confiance en Parceuil. Il la mérite.

Ainsi avait fait Louis Debrennes… Et Flavien avait pu diriger à son gré l’industrie puissamment mise sur pied par Jacques Douvres et par son frère cadet mort jeune encore. Il s’y entendait au reste fort bien — beaucoup mieux que n’aurait pu le faire M. De-