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l’idée de rechercher quelque chose dans cette affaire-là ? Dormez tranquille, Eugénie. L’enfant est bien la fille d’Ilka Vrodno, la danseuse, et de père inconnu. Personne ne viendra vous affirmer le contraire.

Celle dont il était ainsi question venait à ce moment de prendre une grande résolution. Plus d’une fois, Mitsi avait entendu les domestiques déclarer, en parlant de quelque projet de la présidente, par exemple : « Il faudra savoir si M. le vicomte sera de cet avis-là. C’est lui le maître, et, tout jeune qu’il soit, il sait bien le montrer »… De ce fait, une idée avait germé dans le cerveau de l’enfant. Puisque M. de Tarlay faisait tout ce qu’il voulait, et que sa grand’mère elle-même lui obéissait, il n’avait qu’un mot à dire pour que Mitsi ne fût pas si malheureuse, et qu’on l’enlevât à la tyrannie de Léonie. Depuis quelques jours en effet, la femme de charge avait imaginé de lui interdire toute sortie et de lui donner une tâche matériellement impossible à accomplir pour une enfant. De plus, cette créature fourbe et rouée, qui était au service de la présidente depuis des années et savait la mener à son gré par la flatterie, s’était avisée — après assurance que sa maîtresse verrait la chose favorablement — de raconter à la domesticité que Mitsi était la fille d’une coquine et qu’elle serait une traîneuse des rues, si Mme la présidente n’avait eu la charité de s’en occuper, pour tâcher de la sauver du vice.

La pauvre petite, dès lors, s’était vu traiter avec plus de mépris encore. Adrienne, un jour, devant elle, avait affecté de regarder si son porte-monnaie était dans sa poche en disant tout haut :

— On ne sait jamais, avec cette fille de bohémienne ou de je ne sais quoi… C’est voleur comme tout, cette engeance !

Comme Mitsi avait pleuré, ce soir-là !… Une crise