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Mitsi enfouit entre ses mains son visage qui brûlait. Elle répéta avec une sorte de violence :

— Je ne peux pas !… Et j’ai peur de lui, de son amour, qui me prendra le cœur, pour le briser ensuite. Car je sais bien qu’il n’est qu’un orgueilleux, un profond égoïste, cet homme qui a autrefois repoussé dédaigneusement une pauvre enfant malheureuse, qui n’a témoigné qu’indifférence pour ce cher petit Jacques, et après, qui n’a pas eu pitié de moi… Oh ! oui, je sais combien il me ferait souffrir !

Les épaules de Mitsi frissonnèrent longuement sous la soyeuse étoffe blanche.

Svengred prit une des mains tremblantes et dit avec un accent de grave douceur :

— Non, vous ne souffrirez pas près de lui, enfant trop craintive. Je suis depuis l’enfance le seul ami intime de Christian — c’est-à-dire plus qu’un frère, car l’on fait souvent à son ami les confidences qu’on refuse au frère. Me croirez-vous si je vous dis qu’avant de vous connaître, son cœur était resté entièrement libre ? Me croirez-vous si je vous affirme la sincérité, la force de ses sentiments pour vous, et si je vous déclare : « Ayez confiance en lui, pour le présent, pour l’avenir ! »

Mitsi leva les yeux sur ce loyal visage, animé de la plus généreuse émotion. L’angoisse, l’hésitation se mêlaient en son regard à une sorte de joie craintive. Elle demanda, la voix tremblante :

— Vous êtes sûr qu’il m’aime comme vous dites… et que… je puis l’aimer ?

— Vous m’avez inspiré trop de profonde estime, Mitsi, trop de respectueuse admiration, pour que je veuille vous leurrer, même au profit de mon meilleur ami. Votre bonheur m’est aussi cher que celui de Christian… et je sais que l’un et l’autre ne peuvent être obtenus que par votre complet accord. Allez donc