Page:Delly - Mitsi.pdf/282

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

certes, mais qui a réparé par ses regrets, par son amour sincère, par la patience si dure à une nature telle que la sienne ?

D’un brusque mouvement, Mitsi se tourna vers son interlocuteur. À la lumière des candélabres qui éclairaient le salon, Svengred vit ses yeux étinceler de colère farouche.

— Est-ce qui vous a chargé de me dire cela ?

— Non, madame ! C’est de moi-même que je viens essayer d’éclairer votre conscience… Car une femme élevée comme vous dans les principes de l’Évangile commet une grande faute en conservant dans son cœur le ressentiment, le désir de la vengeance…

Une sorte de rire sourd, douloureux, l’interrompit.

— Le ressentiment ?… La vengeance ?

Ses lèvres se crispèrent, et de nouveau Svengred ne vit plus ses yeux. Elle poursuivit d’une voix plus basse, oppressée, frémissante :

— Vous vous trompez sur mes sentiments. Si j’avais à l’égard de Christian ceux que vous croyez, je le lui aurais déjà dit.

— Alors ?

Elle ne répondit pas et, détournant la tête, froissa nerveusement entre ses mains la rose qu’elle tenait encore.

— Alors ? insista Svengred, haletant, lui aussi.

Elle dit de la même voix basse, où passaient des intonations passionnées :

— Vous ne savez pas ce qu’on peut souffrir, quand on a peur de celui qu’on aime !

— Vous avez peur de Christian ?

— Oui… Je sais qu’avant moi, il a aimé bien d’autres femmes, et qu’il en aimera d’autres encore, quand j’aurai cessé de lui plaire. Alors je ne peux pas… je ne peux pas supporter cette pensée !

La rose glissa d’entre les doigts tremblants, et