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fuyait autant qu’elle pouvait, passant la plus grande partie de ses journées dans l’appartement qu’il avait fait préparer pour elle, l’ancien appartement du petit Jacques, décoré sur les instructions du châtelain avec le goût le plus délicat et une somptuosité raffinée. Ou bien elle errait dans le parc, en évitant de passer devant le pavillon italien. Au logis, elle travaillait pour les pauvres, faisait de la musique, donnait les ordres à la femme de charge qui avait remplacé Léonie, renvoyée lors du départ de la présidente… Et elle restait pâle et triste, souvent nerveuse, tremblant dès qu’elle devait se retrouver en présence de Christian, et sentant pourtant son cœur bondir d’émotion ardente à la pensée de le revoir.

M. de Tarlay, lui, s’occupait des forges avec une activité intense. Il faisait en outre de longues promenades à cheval, des courses en voiture avec les bêtes les plus difficiles de ses écuries, comme un homme cherchant à s’étourdir, à oublier. Mais quoi qu’il fît, toujours il revoyait le petit visage délicieux, les yeux pleins de troublant mystère sous leurs cils baissés, la pourpre frémissante des lèvres fermées sur le secret du cœur de Mitsi. Alors, frissonnant de colère et de passion, il songeait : « Cette existence est insoutenable ! Si elle ne peut pas me souffrir, eh bien ! qu’elle parte, cette enfant impitoyable, qui me fait payer si cher mes torts à son égard ! »

Svengred n’eut aucune peine à se rendre compte de la situation, dès qu’il se trouva en présence des deux époux réunis. Déjà, en voyant Christian qui était venu le chercher à la gare, il avait remarqué une certaine altération de son visage, un air sombre et soucieux. La mine fatiguée de Mitsi, la mélancolie de son sourire, de son regard, achevèrent de l’édifier sur la mésentente des nouveaux mariés. Christian, d’ailleurs, le lui fit entendre à demi-mot, tandis que