Page:Delly - Mitsi.pdf/27

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se trouvait transplantée dans ce milieu étranger, complètement différent de celui où elle avait vécu jusqu’alors. Elle avait entrevu des splendeurs dont elle n’avait jusque-là aucune idée. Des personnages inconnus l’avaient toisée avec dédain… Et elle avait entendu les paroles prononcées par l’imposante vieille dame, avec tant d’écrasant mépris.

Ainsi donc, elle n’était pour ces étrangers qu’un être antipathique dont on s’occupait seulement par charité… On paraissait même douter qu’elle fût honnête plus tard, et l’on devait se faire violence pour ne pas rejeter loin de soi « la fille de cette misérable ballerine ».

Une ballerine ?… Cette expression ne disait rien à Mitsi. Mais à l’accent de la vieille dame, elle comprenait que celle-ci considérait une personne de cette sorte comme un rebut d’humanité.

C’était tout cela — l’hostilité aussitôt pressentie, l’isolement au milieu d’étrangers, l’idée que sa mère était une créature méprisée — qui avait brisé le cœur de Mitsi.

Maintenant, elle se tenait assise sur le lit, son corps frêle un peu penché, les mains jointes et crispées. Autour de son mince petit visage, les cheveux s’éparpillaient en boucles courtes, d’un noir brillant. Elle était ainsi d’une grâce touchante, la petite Mitsi, et ses beaux yeux pleins d’angoisse auraient attendri un cœur de fauve.

Mais Léonie, la femme de charge, ignorait toute sensibilité. Elle entra brusquement, l’air revêche, la parole autoritaire…

— Pas encore levée ?… Voulez-vous bien vous dépêcher, petite fainéante ? Dans un quart d’heure, j’enverrai quelqu’un pour vous chercher et vous mener déjeuner. Puis vous reviendrez faire votre chambre… Et tâchez de vous conduire de telle