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petite, qui connaît déjà si bien les tourments de la vie, les angoisses de l’avenir ! »

Mitsi, relevant la tête, mit tout à coup sa main sur celle du jeune homme.

— Monsieur, en faisant abstraction de votre amitié pour M. de Tarlay, dites-moi si vous me conseillez ce mariage ?

Sans hésitation, il répondit :

— Oui, mademoiselle. Je connais Christian, je réponds de ses sentiments à votre égard…

Mais elle l’interrompit avec une vivacité qui était presque de la violence :

— Ne me parlez pas de cela, je vous en prie ! Si je me décidais à devenir sa femme, ce n’est pas parce que… parce qu’il a la fantaisie de m’aimer…

Un pli de douloureux dédain se creusait au coin de sa lèvre.

— … Mais seulement pour obtenir la réparation qu’il me doit. Je lui pardonne, parce que ma religion me l’ordonne, mais rien ne pourra faire que j’oublie ce qui s’est passé. Vous le lui direz, monsieur, n’est-ce pas ?… Et s’il accepte cette situation, si, de mon côté, la réflexion m’incite à accepter ce qu’il m’offre… eh bien, je deviendrai sa femme.

Ces derniers mots furent prononcés d’une voix basse, presque étouffée.

Svengred se retira fort impressionné par cette entrevue, qui lui avait montré Mitsi beaucoup plus montée contre Christian qu’il n’avait pu l’imaginer. En rapportant fidèlement à son ami les paroles de la jeune fille, il ne lui cacha pas qu’il faudrait sans doute beaucoup de patience et de délicatesse pour venir à bout de cet état d’esprit.

— Elle a bien raison de m’en vouloir ! déclara sincèrement M. de Tarlay. Je ne l’en estime que davantage, pour ne pas aussitôt me dire : Tout est oublié…