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était délicate. M. Parceuil payait une somme convenable, qui ferait défaut dans le ménage si l’enfant venait à mourir… Mitsi avait donc été employée de préférence aux travaux de l’intérieur ; elle avait gardé les vaches, besogne peu fatigante, et mené les oies à la pâture. Euphémie ne négligeait pas non plus de l’envoyer au catéchisme et à l’école. À l’un et à l’autre, Mitsi Vrodno — c’était le nom de sa mère — avait fait montre d’une vive intelligence et d’un grand désir d’apprendre davantage.

Elle n’avait pas d’amies, parmi les petites paysannes des alentours. Son caractère était réservé, un peu sauvage. Elle passait des heures en songeries tristes, tout en gardant le bétail dans les prés des Larue. Presque toujours, sa pensée revenait vers l’énigme de sa naissance. Une nièce de sa nourrice, la grosse Céline Dublanc, qui était jalouse d’elle, lui avait dit un jour, avec un ricanement mauvais :

— On ne sait pas d’où tu sors… Tes parents, qui étaient-ils ?… Pas grand’chose de bon, probablement.

Ces paroles avaient pénétré profondément dans l’âme vibrante de Mitsi. La nourrice, questionnée par elle, répondait en toute bonne foi :

— C’est vrai qu’on ne sait pas qui c’est. M. Parceuil m’a dit qu’ils étaient morts et que tu n’avais personne au monde qui puisse s’occuper de toi, sauf lui, qui le fait par charité.

Mitsi, à dater de ce moment, était devenue de plus en plus songeuse et mélancolique — de plus en plus sauvage, disaient les gens du pays. Son jeune cœur se fermait sur les trésors d’affection qu’il contenait, sa nature délicate recherchait la solitude, dans un secret désir de fuir les contacts vulgaires. Euphémie, tout en disant : « La drôle d’enfant ! » la laissait libre sur ce point, dont elle se souciait peu.

Et tout à coup, la petite créature un peu farouche