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pénibles moments que je ne suis plus maîtresse de mes nerfs.

— Mais, mademoiselle, croyez que je vous comprends très bien, et que j’admire la fierté de votre caractère. C’est elle, aussi, qui a ouvert les yeux de Christian, qui lui a fait faire un retour salutaire sur lui-même. Voyez-vous, il a été fort gâté par la vie, ce cher Christian, mais je vous assure qu’il est bon, loyal, capable d’un attachement très vif et très fidèle, et d’une grande estime pour la femme qui aura su la mériter. Pour avoir connu dans le monde trop de coquettes ou d’âmes faibles, il était devenu sceptique sur la vertu féminine. Vous avez changé ses idées par votre admirable attitude…

Une sorte de rire étouffé — au fond était-ce un rire ou un sanglot ? — interrompit le jeune homme. Mitsi le regardait avec une ironie douloureuse, tandis qu’un pli de mépris soulevait sa lèvre.

— Malheureusement, je n’ai pas du tout votre confiance à l’égard des bons sentiments de votre ami. M. de Tarlay n’a pas eu pitié d’une pauvre enfant seule, sans protection, obligée de vivre sous son toit, et qui donnait à son fils tout ce qu’elle pouvait d’affection, de sollicitude. Il m’a réduite à fuir comme une malheureuse, et à passer pour coupable aux yeux de ses hôtes, de sa domesticité, de tout le pays. Après cela, qu’il ait eu des remords, je n’en sais rien… ou plutôt, je l’en crois incapable…

— Mademoiselle, ne soyez pas injuste !

Mais Mitsi poursuivait avec une âpreté croissante :

— Oui, je l’en crois incapable, cet homme qui n’a toujours cherché dans la vie que jouissance, que satisfaction personnelle, qui n’a témoigné qu’indifférence pour ce pauvre petit Jacques, si attachant cependant… Et il voudrait que j’oublie… que je devienne sa femme, moi, sa victime… moi qui le déteste !