Page:Delly - Mitsi.pdf/231

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Soit. Mais en attendant, venez m’aider, pour gagner votre repas.

Mitsi jugea préférable de ne pas discuter davantage. Ayant déposé sa valise dans ce taudis, et enlevé son chapeau, elle suivit à nouveau l’hôtesse, jusque dans la pièce malodorante où s’élaboraient des mets douteux. La jeune fille éplucha des légumes que lui désignait Anna, tourna une sauce au parfum de graisse rance, versa, d’après les indications de la femme, sur une viande aux teintes verdâtres, une forte dose de vinaigre, destinée à en atténuer le fumet trop accentué… Après cela, quand la Bolomeff lui dit : « Nous allons déjeuner avant que mes pensionnaires arrivent », elle répliqua avec vivacité :

— Non, je n’ai pas faim ! Il me serait impossible de rien avaler.

L’autre dit sardoniquement :

— Mon ordinaire ne plaît sans doute pas à mademoiselle ?… Enfin, pour aujourd’hui, je veux bien me montrer bonne femme. Il y a du lait, dans ce pot. Je vais vous en donner une tasse.

Mitsi ne refusa pas, sentant la nécessité de se soutenir physiquement, pour supporter la lutte morale, les angoisses que lui réservait certainement son étrange situation. Elle trouva au lait un goût désagréable, mais se força néanmoins à finir la tasse. Puis elle continua d’aider Anna, qui, la taille entourée d’un tablier blanc — ou presque — allait et venait de la cuisine à la salle où commençaient d’arriver les habitués.

Mitsi pensait : « Si je m’en allais, maintenant ? En suivant quand elle va là-bas, je traverserais la salle en courant et je sortirais par là. »

Puis elle songeait, le cœur saisi de détresse :

« Mais pour aller où ?… Je ne connais personne