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mains tremblaient, une tristesse immense lui serrait le cœur… Fuir, fuir ainsi comme une pauvre créature pourchassée… se sentir seule, sans ressources, dépouillée du seul bien qu’elle possédât sur cette terre : son honneur, qu’on lui contestait injustement… Et cela, par la faute de ce vicomte de Tarlay, de cet homme comblé par la fortune, par le monde, par la nature, et qui n’avait pas eu pitié d’une pauvre enfant isolée, malheureuse, demandant à rester sans tache, à vivre humble et cachée, dans la simplicité d’une existence modeste.

Une douloureuse colère, une sorte d’âpre ressentiment s’insinuaient dans son âme tourmentée par la souffrance. Et quand un peu après Marthe, appelée chez M. de Tarlay, vint lui apprendre que son maître demandait à la voir, pour une communication importante, elle s’écria avec véhémence :

— Oh ! non, non !… cela, non !

— Comment faire, ma petite Mitsi ?… C’est difficile de répondre cela à M. le vicomte. J’ai bien dit, comme vous me l’avez recommandé quand il me demandait de vos nouvelles, que vous étiez faible, fatiguée encore… mais enfin, cela n’empêche pas de le recevoir.

— Si, en disant que je suis beaucoup plus fatiguée cet après-midi… que je le prie d’attendre à demain… Et demain, il pourra me chercher, tant qu’il voudra… il ne me trouvera plus !

Elle parlait avec une sorte d’âpreté qui frappa Marthe. Celle-ci pensa : « Elle lui en veut, la pauvre petite !… Et elle a bien raison ! »

Mitsi, de son côté, songeait avec une ironie douloureuse : « Je me doute bien de ce qu’elle serait, cette communication importante. Ah ! il est temps, grand temps de fuir ! »

Marthe, qui partageait sur ce point l’opinion de