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La sollicitude affectueuse de Marthe ne pouvait avoir raison de cette mélancolie, de cette angoisse secrète dont la jeune malade ne faisait point part à son amie. Dans l’âme de Mitsi, un sentiment grandissait, devenait dominant : elle avait peur de Christian… elle frissonnait au souvenir de ses yeux impérieusement amoureux, de sa voix ardente qui lui avait dit ces mots passionnés… ces mots dont la réminiscence la faisait trembler à la fois de révolte et d’une sorte d’étrange bonheur. Fuir… fuir loin de lui, tel était le désir qui devenait chez elle une hantise.

Christian, instruit chaque jour par Marthe des nouvelles de la jeune fille, s’inquiétait de voir venir si lentement son retour à la santé. Il parlait d’appeler en consultation son médecin de Paris… Mitsi, ayant eu connaissance par son amie de ce désir, lui fit répondre qu’elle se remettrait fort bien sans qu’on prît tant de peine pour elle. Il pensa : « Elle m’en veut encore, pauvre petite… Ah ! si Svengred pouvait me donner une bonne nouvelle !… Et comme cela hâterait aussi sa guérison ! »

Depuis la mort de son fils, un changement s’était fait dans ses habitudes. Il s’occupait maintenant des forges, s’y rendant presque chaque jour, critiquant ou approuvant en maître les actes du directeur. Celui-ci, platement déférent, servilement flatteur, contenait son inquiétude et sa colère. Un homme comme Christian ne se laisserait pas annihiler ni berner comme un Louis Debrennes. Si cette fantaisie devenait une sérieuse décision, Parceuil entrevoyait pour lui des jours d’autant plus difficiles que depuis quelque temps, M. de Tarlay semblait lui témoigner une froideur presque malveillante et ne se gênait pas pour le traiter avec hauteur, comme s’il eût pris plaisir à l’humilier.