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s’obscurcirent et bientôt il entra dans le coma. Au cours de la nuit, il avait cessé de vivre.

Tout s’arrangeait au mieux pour les deux complices. Le petit Christian, qui venait d’avoir huit ans, héritait à la fois de son grand-père et de son oncle. Louis Debrennes succédait au défunt dans l’administration des forges, mais Parceuil prévoyait que bientôt il supplanterait cet homme doux et paisible, de santé frêle, qui n’avait en lui rien des qualités nécessaires à un grand chef d’industrie. Bien que, dans la parfaite honnêteté de sa conscience, il eût témoigné quelque crainte au sujet du bien-fondé des renseignements recueillis par son parent, bien qu’il se fût demandé avec quelque angoisse si, réellement, Ilka Drovno n’avait pas été la femme de Georges, Louis n’inquiétait de ce fait ni sa mère ni Parceuil, qui savaient pouvoir circonvenir facilement cette nature faible, ce cerveau rendu indolent par le lent dépérissement du corps… Et Parceuil, triomphant, put jouir des fruits de son crime. Il avait son appartement à l’hôtel Douvres et à Rivalles, il vivait dans le luxe, il était un personnage bien accueilli partout. Venu pauvre près de Jacques Douvres, il mettait peu à peu de côté de grosses sommes qui représentaient beaucoup plus que son traitement annuel, quelque considérable que fût celui-ci… En outre, son âme basse, mauvaise, vindicative, se complaisait dans la pensée de la terrible vengeance qu’il avait tirée de la pauvre Ilka. Parfois, en évoquant le jeune et délicieux visage, les yeux profonds, si ardents et si doux de celle qui l’avait repoussé avec tant de fier mépris, il songeait avec une joie féroce : « Ah j’ai eu le dernier mot, belle Ilka ! Ta fille, qui devait avoir les millions de son père, nous en ferons une servante… et si je puis lui causer quelque tort, je n’y manquerai pas, en souvenir de toi ! »