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— Croyez-vous que votre famille acceptera cette union avec une simple petite danseuse comme moi ?

Instantanément, Georges évoqua le visage énergique et quelque peu hautain de son oncle… Il crut entendre sa voix lente prononcer, avec l’accent du plus profond dédain :

— Moi, permettre que tu introduises cette ballerine dans notre famille qui n’a jamais connu pareille mésalliance ? Tu ne sais donc pas encore qui je suis, mon garçon ?

Mais le jeune homme ne s’arrêta pas à cette pensée. Il répondit vivement :

— Ne craignez rien, je suis orphelin, libre de ma personne et de ma fortune. Vous pouvez sans scrupule devenir ma femme, chère, bien chère Ilka.

— Avant de nous engager, il me faut auparavant vous parler de ma famille, vous raconter ma triste histoire.

Elle lui apprit alors que sa mère appartenait à une noble et ancienne famille roumaine. Rompant avec toutes les traditions de sa race, Hélène Damaresco, contre le gré des siens, avait épousé un ennemi, un Hongrois, Elek Drovno, jeune musicien d’une beauté remarquable, d’origine honorable mais obscure. Son père la maudit, sa mère, de santé délicate, mourut de ce chagrin. Quant à la jeune femme, elle ne cessa d’être poursuivie par le remords, et lorsque Elek mourut, quatre ans plus tard, tué par un lourd tombereau qui lui passa sur le corps, elle vit là une punition du Ciel pour sa désobéissance aux ordres paternels. Longtemps malade à la suite de ce terrible choc moral, elle ne devait jamais recouvrer complètement la santé. En outre, son cerveau restait irrémédiablement affaibli. Elle laissa donc Irène Blemki, cousine éloignée de son mari, s’occuper de la petite Ilka, alors âgée de trois ans. La danseuse était d’ailleurs une