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Darier, ayant écouté attentivement les explications de son maître, déclara qu’il se faisait fort de retrouver bientôt la jeune personne. Si elle se tenait cachée, ce ne pouvait être que dans la forêt ; or, nul mieux que lui n’en connaissait tous les détours, car il la parcourait depuis l’enfance, les Darier étant de père en fils gardes-chasse sur les domaines des vicomtes de Tarlay.

Quand cet homme se fut éloigné, Christian se mit à marcher de long en large d’un pas nerveux, dans son cabinet de travail où pénétrait la pâle lueur de l’aube. Il se répétait : « Où est-elle ?… Où peut-elle être allée, la pauvre enfant ? »… Il la revoyait, avec ses yeux admirables, pleins de détresse et d’indignation, avec son petit visage frémissant… Il entendait à nouveau le mot qui l’avait flagellé : « Lâche ! »

Une rougeur brûlante monta à son visage, comme la veille, au moment où une petite main nerveuse s’était abattue sur lui.

Au premier instant, la fureur l’avait seule possédé. Quoi ! cette misérable petite fille de rien osait traiter de la sorte le vicomte de Tarlay, dont les plus nobles dames briguaient les hommages ? Ah ! il saurait l’en faire repentir !

Mais presque aussitôt, la colère avait fait place à l’admiration et au regret. Trop adulé, trop gâté depuis l’enfance, Christian avait néanmoins conservé une âme loyale, capable d’apprécier chez autrui la sincérité, la noblesse du caractère, et de reconnaître ses propres torts. Cette enfant de dix-huit ans, isolée, malheureuse, à laquelle s’était offerte la plus séduisante tentation, avait eu le courage de l’écarter avec une violence qui devait, selon toutes les apparences, lui faire un ennemi implacable de l’orgueilleux seigneur de Rivalles, ainsi traité par elle. Ni la considération de ses propres intérêts, ni la crainte de