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Mais celui dont elle eût surtout voulu obtenir les suffrages n’avait eu pour elle que le plus indifférent des regards… Christian d’ailleurs se montrait, ce soir, distrait, presque sombre par moments et n’accordant aux plus charmantes de ses invitées que l’attention courtoise obligatoire chez un maître de maison… Olaüs Svengred, très observateur, le remarquait et se demandait : « Qu’a-t-il donc ? »

Sa surprise augmenta en voyant, vers minuit, son ami s’installer à une table de baccara, et n’en plus bouger jusqu’à la fin de la soirée — lui qui avait pour les cartes une complète indifférence.

Vers deux heures, les départs commencèrent. À trois heures, il ne restait plus dans les salons que M. de Tarlay, sa grand’mère, Florine et Svengred. Christian, debout dans le salon en rotonde qui précédait son appartement, venait d’allumer une cigarette. Il sonna pour donner ordre à un domestique de lui apporter du café. Svengred, en prenant congé de lui, fit observer :

— Tu n’as pas l’intention de dormir, à ce que je vois ?

M. de Tarlay répondit brièvement :

— Non, en effet.

La présidente, venant du salon des Bergères, s’avança, appuyée au bras de Florine. Derrière elle, la traîne de sa robe brochée violet sur gris balayait le tapis, avec un bruit soyeux. Des diamants étincelaient à son corsage, sur la dentelle de Chantilly qui en formait la garniture. Sa physionomie décelait la vanité satisfaite, l’orgueil triomphant. Ne jouissait-elle pas, en effet, de toutes les splendeurs de cette demeure que bien des princes eussent enviée ? Un peu du prestige dont jouissait M. de Tarlay par son rang, sa fortune et ses qualités personnelles, ne rejaillissait-il pas sur elle, sa grand’mère, qui dirigeait son