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Marthe enveloppa d’un coup d’œil discret et nuancé d’inquiétude la physionomie charmante, un peu troublée au seul souvenir évoqué par les paroles de la lingère… Celle-ci, par les gens de l’office, était au courant des bruits qui circulaient, relativement à l’intérêt dont Mitsi se trouvait l’objet de la part du maître. Mais alors que presque tous accusaient la jeune fille de coquetterie, d’intrigue, de perversité même, elle, courageusement — car le branle des calomnies était mené par Léonie et Adrienne, les deux plus importantes personnalités de l’office — avait défendu Mitsi, assurant qu’elle était incapable de rien faire pour être remarquée, et qu’elle serait même bien fâchée de l’être. Marthe était sincère en parlant ainsi… Mais elle se disait également avec anxiété : « Comment cette pauvre petite Mitsi résistera-t-elle à un homme tel que celui-là, qui, dit-on, est l’objet de tant de passions ? »

Elle la considérait pensivement, avec un mélange d’admiration et de pitié, tandis qu’un instant plus tard, toutes deux se trouvaient près du petit Jacques, qui avait accueilli joyeusement la lingère. Mitsi était vêtue d’une robe de lainage marron, très simple, qu’ornaient un col et des manchettes de toile blanche. Dans cette tenue presque austère, elle avait toujours ce même air de petite princesse déguisée ; mais, cette fois, ce n’était plus en servante, car le bonnet avait disparu et l’on voyait les beaux cheveux noirs enroulés en une natte brillante, bouclant sur la nuque, sur les tempes, au-dessus des fines oreilles nacrées.

« Qu’elle est jolie, pauvre Mitsi !… qu’elle est jolie ! » songeait Marthe avec une tristesse profonde. « Jamais elle ne me l’a paru autant qu’aujourd’hui ! »

C’était aussi l’avis de Jacques qui déclara en embrassant câlinement la main de la jeune fille :