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— Le triste sort ! Ah ! mon pauvre Olaüs, tu as encore des illusions sur les femmes, toi ! Mais je les connais assez pour affirmer que Mitsi, enlevée par moi à sa situation actuelle et comblée de tout ce que peut désirer un cerveau féminin, aura vite fait d’oublier les quelques scrupules qu’elle peut encore conserver aujourd’hui !

Svengred secoua la tête.

— Je n’en suis pas sûr du tout.

— Nous verrons !… Et sais-tu, mon cher ?… Eh bien, je te promets, si elle me résiste sérieusement — car il y a des résistances qui ne sont que comédie — je te promets, dis-je, de la laisser en repos, cette Mitsi pour laquelle tu parais avoir tant d’inquiétude.

Olaüs, jetant un regard sur la physionomie railleuse de son ami, sur ces yeux superbes qui étincelaient d’ironie et de défi amusé, murmura avec quelque amertume :

— Oui, oui, tu connais ton pouvoir, ensorceleur ! Pauvre petite créature, seule, malheureuse, elle t’aimera… et tu t’amuseras quelque temps de cet amour, pour le fouler aux pieds ensuite. Ah ! Christian, tu n’as donc pas de cœur, pour agir ainsi ?

M. de Tarlay eut un sourire d’ironie et ne répondit pas. À ce moment, d’une allée voisine, surgissaient Florine, M. de Montrec et Ludovic Nautier, le peintre ami de Christian. Les deux groupes fusionnèrent et prirent ensemble le chemin du château, ou la présidente offrait aujourd’hui à quelques châtelains du voisinage un thé intime. Christian se montra particulièrement gai, cet après-midi-là, et toute la soirée ; mais Svengred conserva un pli profond sur son front élevé, une ombre de tristesse dans ses yeux bleus, et plus d’une fois, il ne put s’empêcher de diriger vers son ami un regard de douloureuse indignation.