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à son sujet par Parceuil, elle se classait parmi les moins recommandables de la corporation. Mitsi est sans famille, sans un sou vaillant — et elle possède un charme, une beauté capables de rendre fou qui elle voudra. L’atavisme aidant, elle tombera un jour ou l’autre… et dès lors, qu’importe que le tentateur soit moi ou un autre ?

Svengred s’écria vivement :

— Voilà de singulières théories ! Quoi ! parce que cette pauvre enfant est fille d’une créature dévoyée — peut-être entraînée au mal non par perversion foncière, mais par les dangereux écueils de sa profession — tu la condamnes sans rémission au même sort ? Que fais-tu donc de l’influence d’une éducation chrétienne sur cette âme, en admettant qu’il y ait en elle quelque fatal legs moral ? Je regardais tout à l’heure la pauvre enfant, et je remarquais combien, sous le trouble et la gêne que lui causait ton attention trop admirative, son regard restait pur, candide, reflétant, semblait-il, une âme délicate et sans ombre.

Christian eut un éclat de rire légèrement sarcastique en jetant un coup d’œil narquois sur son ami, dont la physionomie, généralement calme, s’était un peu animée.

— Je vois que tu l’as bien examinée, cette charmante Mitsi ?… Et tu en es déjà amoureux, toi aussi, ô sévère Olaüs !

Un peu de rougeur colora le teint du Suédois — ce teint trop blanc, trop diaphane qui décelait une santé fragile. Avec un léger mouvement d’épaules, Svengred répliqua :

— L’amour, si je l’éprouve jamais, sera chez moi autre chose que ce que tu appelles de ce nom. Mais cette enfant isolée, menacée, m’a profondément touché. Je voudrais la sauver du triste sort que tu lui prépares…