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Des conversations entendues à l’office, pendant son séjour à Paris, lui avaient appris que les plus difficiles conquêtes n’étaient qu’un jeu pour M. de Tarlay, dès qu’il lui plaisait de les entreprendre. Ainsi donc, il devait supposer que cette humble petite Mitsi, élevée par charité, mise au service de la gouvernante de son fils, serait éblouie, grisée aussitôt en voyant qu’il lui faisait le très grand honneur d’arrêter son attention sur elle.

Pauvre Mitsi qui, du sûr asile de son couvent, se trouvait jetée en pleine fournaise ! L’angoisse augmentait en son âme, à mesure que son innocence, jusqu’alors presque ignorante de la vie, commençait de comprendre les pièges qui se présentaient à elle. Qui donc la défendrait, si elle était menacée ? La présidente ? M. Parceuil ? Ils demeuraient pour elle des êtres lointains, inaccessibles — et hostiles, elle en avait toujours eu l’intuition. D’ailleurs, aucun d’eux n’oserait s’élever contre le bon plaisir de M. de Tarlay, bien certainement. Que leur importeraient le déshonneur, le désespoir d’une pauvre petite créature méprisée, dont la présidente avait d’ailleurs prédit depuis longtemps la déchéance ? Car Mitsi se souvenait des paroles prononcées jadis devant elle, et qui, stigmatisant l’ignominie de la mère, jetaient sur l’enfant l’injurieux anathème qui semblait la vouer au vice.

Sa mère, la danseuse !… Un jour, peu de temps après son arrivée au pensionnat de Sainte-Clotilde, Mitsi et ses compagnes, en revenant de promenade, étaient passées devant une baraque foraine installée sur la place du bourg. Une jeune femme, sur les tréteaux, esquissait des pas, minaudait, envoyait au public le sourire de ses lèvres peintes. Elle était vêtue d’un maillot de soie rose fané, d’une très courte jupe de tulle, et coiffée de cheveux