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Elle ricanait, en couvrant la jeune fille d’un regard mauvais. Mitsi n’avait pu s’empêcher de rougir, tout en répliquant avec froideur :

— Je trouve cela très naturel de sa part, au contraire.

L’autre avait ricané plus fort, en lui lançant ce mot : « Farceuse » et elle l’avait quittée en levant les épaules.

À l’office, les domestiques riaient entre eux en la regardant, et Théodore, le valet qui avait commencé de la courtiser effrontément à Paris, avait murmuré avec colère, en passant près d’elle :

— Ah ! c’est des grands seigneurs qu’il vous faut, à vous ! Voilà pourquoi on fait la renchérie avec les autres.

Mitsi, dissimulant de son mieux sa douloureuse émotion, avait répondu par un regard fier à l’insolent personnage. Mais un peu plus tard, seule dans l’étroit cabinet qui était sa chambre, dans le bâtiment où logeait la domesticité, elle se laissa tomber sur l’unique siège et, son visage brûlant entre ses mains qui frémissaient, elle se prit à songer en frissonnant à la situation dont, en dépit de son inexpérience, elle commençait d’entrevoir le péril, affreux pour son âme pétrie de délicatesse.

Oui, elle comprenait, hélas ! que l’affection paternelle entrait pour une part bien minime dans l’intérêt inaccoutumé témoigné par M. de Tarlay à son fils. Si peu vaniteuse, si peu occupée de sa personne qu’elle fût, Mitsi n’avait pu faire autrement que de remarquer les regards charmés qui s’arrêtaient complaisamment sur elle, tandis que le châtelain lui parlait. Et même, le souvenir de ces yeux bleus si beaux, impérieux et caressants à la fois, de ce sourire amusé, un peu railleur, l’avait poursuivie ensuite, quoi qu’elle essayât pour l’éloigner d’elle.