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LES DEUX FRATERNITÉS

égoïste, menteur ! clama un ouvrier près de Cyprien, en tendant son poing vers Louviers.

M. de Mollens, impassible sous les insultes, continua à couper d’interruptions la conférence du député, visiblement agacé et furieux.

Mais, comme le marquis recommençait pour la quatrième fois, ce fut un tumulte dans la salle, les assistants se ruèrent sur le petit groupe avec des cris de haine. À grand-peine, M. de Mollens et ses compagnons réussirent à gagner la porte en faisant crânement face aux assaillants, et non sans récolter quelques blessures, heureusement sans gravité.

— Nous avons perdu notre temps, messieurs ! dit Cyprien dont la main était contusionnée par un barreau de chaise.

M. de Mollens secoua la tête.

— Non, mon ami, on ne perd jamais son temps quand on fait son devoir, celui-ci dût-il nous conduire à l’insuccès. Et, du reste, nous avons au moins obtenu ce résultat de gêner considérablement l’éloquence de cet homme, de détourner quelque peu à notre profit l’attention que lui prêtent d’ordinaire ces malheureux trompés par lui. Allons, mes chers amis, rentrez chez vous. Nous serons peut-être plus heureux une autre fois. Mariey, voulez-vous vous charger de ce petit paquet pour Mlle Césarine ?

— Avec plaisir, monsieur le marquis… Mais, vous êtes blessé ?

Un peu de sang glissait, en effet, sur le front de M. de Mollens.